Algorithmes de recommandation ou la question de la pertinence

Hier, je flânais dans une librairie de quartier, une de ces librairies qui ont su résister aux assauts conjugués de la grande distribution, puis des Amazon et autres Fnac.com, simplement parce que les vendeurs lisent et aiment lire… et surtout partager leurs découvertes.

Amazon me suggère des tas d’ouvrages : le dernier Goncourt parce que j’ai acheté celui de l’année passée, le Femina parce que tous ceux qui ont acheté les deux derniers Goncourt ont commandé le Femina – et un ouvrage sur la broderie parce que j’ai offert un livre sur le crochet à ma vieille tante ! Je galéje à peine, même si l’algorithme de recommandation du libraire en ligne est un peu plus sophistiqué ; quoi qu’il en soit, pour Amazon, inutile d’en savoir plus : vous avez laissé des traces sur la toile, d’autres gens encore plus, donc vous devriez lire ceci ou cela.

Je suis encore libre de refuser… pour l’instant.

Beaucoup de gens achètent les derniers prix littéraires, non pas pour les lire, mais pour offrir : ça fait un beau cadeau – et c’est forcément un bon choix, puisque cautionné par un jury prestigieux ; mais bien évidemment, l’algorithme d’Amazon ne tient pas compte de ces subtilités.

Dans cette librairie de quartier, étaient affichés sur certains ouvrages de petits textes : les notes de lecture des employés.

Souvent, on rentre dans ces boutiques avec une idée précise en tête – le dernier Murakami, par exemple – et l’on découvre en flânant un peu des auteurs et des ouvrages inconnus, on parcours les petites fiches et l’on se laisse séduire… et l’on ressort les bras chargés, heureux de ses découvertes.

Et ce plaisir, jamais Amazon ne saura nous l’offrir : des recommandations qui ne sont pas issues de notre passé, mais de la passion de vrais lecteurs.

Pourtant, les algorithmes de recommandation commencent à s’imposer dans de nombreux secteurs, des rencontres amoureuses avec Tinder aux ressources humaines avec une flopée de startups comme Hunteed, Kudoz et autres Clustree – cette dernière ayant quand même réussi à lever 2,5 millions d’euros l’an passé !

Plus besoin de faire passer des dizaines d’entretiens d’embauches, longs et fastidieux : Clustree regarde si vous n’avez pas déjà le candidat idéal en interne tandis que Kudoz va gentiment puiser dans LinkedIn pour voir si quelqu’un correspond à vos attentes.

Et l’on vous délivre le collaborateur parfait, comme Tinder le flirt d’un soir et Amazon un roman pour vos prochaines vacances.

Bien sûr, de même qu’avec Amazon on se prive de super livres dont on ignorait tout, même l’existence de l’auteur, de même ici, on passera nécessairement à côté du candidat disruptif qui pourrait redonner du nerf à sa société : les algorithmes de recommandation nous préservent de prises de risques pourtant parfois salutaires.

François laurent

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