Jakobson et la marque

Roman Jakobson ne s’est jamais directement penché sur la marque mais ses Essais de linguistique générale nous fournissent un intéressant cadre d’analyse des noms de marque et de leur communication, et plus particulièrement la chapitre intitulé : Linguistique et poétique.

En bon fonctionnaliste, « le langage doit être étudié dans toutes ses fonctions » ; et d’en distinguer six, chacune centrée sur un des « facteurs constitutifs de […] tout acte de communication verbale » :

  • La fonction expressive, centrée sur le locuteur ;
  • La fonction conative, inversement centrée sur le récepteur ;
  • La fonction phatique, permettant d’établir la communication ;
  • La fonction métalinguistique, centrée sur le code ;
  • La fonction référentielle, renvoyant au monde extérieur ;
  • La fonction poétique où le message se centre sur lui-même, ce qui est le propre des œuvres artistiques.

Ces fonctions ne sont pas exclusives, mais « souvent elles se superposent » et se gèrent dans le temps ; en revanche, trop centrer son message sur un seul de ses éléments peut aboutir à un déséquilibre certain … et un défaut de communication.

La marque, comme la communication publicitaire, peut se focaliser – soit de manière délibérée et volontaire, par inscription dans sa plateforme, soit de manière naturelle – sur l’émetteur, son porte-parole : ainsi Tesla est-elle devenue au fil des ans une marque essentiellement expressive, notamment via les tweet et interventions d’Elon Musk. Idem pour Apple à l’époque de Steve Jobs ou encore d’Afflelou.

Ainsi, le storytelling peut fortement contribuer à la mise en valeur d’un locuteur / créateur : Yves Saint-Laurent ou Jean-Paul Gaultier dans la mode, Jacques-Antoine Granjon ou Michel-Édouard Leclerc dans la distribution, Xavier Niel dans les télécoms, etc.

L’émetteur « créé » ne colle pas nécessairement à la personnalité « réelle » : le Steve Jobs de la légende d’Apple apparaît bien loin du manager cassant, capable des pires colères et du père « radin, égocentrique, absent puis maniaque du contrôle » que décrit sa fille Lisa.

Inversement, la marque peut se révéler conative en se focalisant sur son destinataire – ses clients, les consommateurs : c’est le propre des marques identitaires, les marques de parfums par exemple – Black opium, Eau sauvage, La vie est belle, Joy, etc.

La marque pourra devenir poétique quand sa communication se centrera essentiellement sur elle-même : Flowers by Kenzo constitue un bon exemple, le risque étant de perdre le référent en route.

La fonction référentielle apparaît clef, puisqu’elle renvoie au produit ou au service nommé par la marque : des marques comme Samsung, LG la privilégient, centrée sur le produit ; tout comme Volkswagen avec son slogan « Das auto », même si ce dernier renvoyait aussi à un émetteur allemand anonyme.

Les fonctions métalinguistique et phatique apparaissent surtout avec les nouveaux outils : Wanadoo s’inscrit dans les « codes » Internet du début du siècle, avec Yahoo ! et Google ; comme les marques phatiques, comme Blablacar qui a su allier intrinsèquement connection et référentiel. Certainement, un axe d’avenir !

Une marque équilibrée convoquera plusieurs fonctions – et évitera d’oublier trop rapidement la fonction référentielle : ainsi Dyson allie-t-il fonctions référentielle et expressive, son ingénieur de fondateur n’apparaissant jamais très loin de ses produits.

Inversement, un marque seulement expressive ou trop conative – voire trop poétique – risque bien de perdre son référent en chemin … ce qui serait le comble pour une marque !

Restent les marques expressives pour lesquelles le fondateur a disparu de la communication comme Renault, Peugeot, Darty qui doivent gérer habilement leur référentiel.

Chez Adwise, nous recommandons l’utilisation de cette grille d’analyse  pour les bilans d’image et les tests de communication. Son association avec la technique d’analyse sémiologique renforce  encore l’émergence des insights clés.

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