Répondre aux attentes de son client modèle ne suffit pas

A l’aune des médias sociaux, l’expérience client négative se solde désormais par une catastrophe … autrement dit par un « bad buzz » en jargon moderne.

Dernière victime en date Monoprix qui a réussi l’exploit de refuser l’accès à un de ses magasins à un aveugle … ou plutôt à son chien, et ce en total infraction avec la loi française ! Face à la bronca des socionautes, sur Twitter l’enseigne « condamne fermement les faits qui se sont déroulés à Marseille et vous présente ses excuses ».

Marseille ? Dans la même ville où un employé avait été mis à pied en 2011 pour avoir tenté de sortir six melons et deux salades d’un conteneur à poubelles … et face à la bronca des socionautes – bis repetita –, l’enseigne avait rétro pédalé et réintégré son salarié.

Schizophrénie de la distribution pour qui un client est à la fois un portefeuille qu’il convient de chouchouter … et un perturbateur, voire un voleur : récemment Ikéa a été contraint de présenter ses excuses sur Twitter à un père et sa fille pour les avoir envoyé … en garde à vue : ils avaient oublié de scanner une boite en plastique lors de leur passage en caisse !

Comment en est-on arrivé là ?

Les enseignes se sont au fil des ans construit un « client modèle » – tout comme un auteur rédige son texte en fonction d’un « Lecteur Modèle capable de coopérer à l’actualisation textuelle de la façon dont lui, l’auteur, le pensait », comme le rappelait Umberto Eco dans Lector in fabula.

Tout comme l’écrivain rédige son roman en fonction de ce qu’il imagine d’un lecteur à venir, le magasin construit non seulement son offre mais aussi sa mise en scène en fonction d’un « client modèle » qu’il espère accueillir dans ses rayons … le marketing parlera plus simplement de persona.

Le persona d’une enseigne de centre ville se révélera évidement dynamique, un soupçon bobo, pressé certainement, attentif à toutes les délicates attentions que l’on aura à son égard, peut-être bio, etc. ; et comme il faut que son expérience client soit parfaite, on fera en sorte de gommer tout ce qui pourrait le déranger.

Comme des poils de chien sur son pantalon ?

La schizophrénie de la distribution évoquée plus haut s’explique aisément : tout client dérogeant au « modèle » ou au(x) persona(s) constitue un élément perturbateur susceptible de nuire à l’expérience constamment enrichi du « modèle » … donc de ruiner de longs et patients efforts.

Le problème, c’est que le client « modèle » peut aussi se révéler plus altruiste qu’imaginé … d’où les bad buzz précédents !

Le problème, c’est aussi que le romancier accepte de facto que le « non lecteur modèle » n’achète pas un livre auquel de toutes façons, il n’adhérerait pas … alors que le distributeur souhaite accueillir le plus grand nombre de clients dans ses magasins.

D’où la nécessité de repenser ses personas … de les rendre plus humains.

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