Internet des Objets : la révolution est en marche…
Jean-Paul Crenn vient de publier avec Gérard Haas : L’Internet des Objets : la 3ème Révolution Informatique. Rencontre avec l’auteur.
Adwise : Vous parlez de « 3ème Révolution Informatique » ; rappelons que Jeremy Rifkin qualifiait déjà de « 3ème Révolution Industrielle » la période commençant avec le développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication : une révolution dans la révolution ? Ou une fuite en avant dans les dénominations qui font le buzz ?
Jean-Paul Crenn : Nous aurions pu également mettre en avant le fait que nous entrons dans le « 2ème âge de la machine » en nous référant à l’excellent ouvrage de deux économistes du MIT, Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee (Travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique, Éditions Odile Jacob, 2015). Alors, « 3ème Révolution Industrielle », « 3ème Révolution Informatique », « 2ème Age de la machine » ?
Tout d’abord, notons que le constat est le même : nous vivons aujourd’hui le début de quelque chose de majeur, porté par le digital. Dès demain, ce digital va nous impacter encore bien plus fortement qu’aujourd’hui, que ce soit dans nos entreprises, dans nos façons de produire et de consommer mais également dans la manière dont nous « faisons société ». Bref, il y a bien une révolution.
Si nous préférons caractériser cette révolution de « 3ème révolution informatique », en reprenant les termes du professeur de stratégie à Harvard Micaël Porter, c’est pour deux raisons.
La première est que cela permet de nommer l’essence et le moteur de cette révolution : l’informatique. Cela nous semble important de nommer précisément la cause de cette révolution pour mieux l’appréhender pour ce qu’elle est. Car elle ne vient ni de l’industrie, ni des machines.
La deuxième raison c’est que nous ne savons pas, de façon certaine, où cette révolution va nous mener. Nous savons, en revanche, que cette révolution est essentielle. Nous ne nous permettons pas d’annoncer la « mort du capitalisme » comme le fait Jeremy Rufkin. Mais est-ce un manque de vision de notre part ? Nous préférons suivre le philosophe Maurice Blondel quand il disait « l’avenir ne se prévoit pas, il se prépare » …
Adwise : Demain, tous les objets seront connectés, de notre voiture à notre réfrigérateur en passant par notre chaudière et nos chaussures de sport ; mais aujourd’hui, le marché des montres connectées s’essouffle sans avoir vraiment décollé : le véritable problème de l’IoT – Internet of Things – n’est-il pas avant tout celui des usages, donc un problème marketing ?
Jean-Paul Crenn : Vous avez tout à fait raison. Dans notre ouvrage nous avons conceptualisé l’Internet des Objets sous la forme d’une pyramide à degrés : à la base les capteurs, puis l’agrégation des données, ensuite l’analytique des objets et enfin l’action cognitive.
C’est l’ultime degré de cette « pyramide des objets » qui est au cœur de la problématique de cet IoT. Quelles décisions doivent être prises ? Par qui – IA ? – ? Pour quelle valeur ajoutée pour les utilisateurs ? Pour construire quels avantages concurrentiels pour l’entreprise ? Les échecs des premiers objets connectés sont tout simplement dus au fait que seuls les deux premiers degrés de la pyramide ont été pris en compte. Or c’est l’arbre (technologique) qui cache la forêt (des usages).
Permettez-moi deux réflexions :
- Votre définition des objets connectés est peut-être un peu réductrice. Elle n’intègre pas deux grands succès avérés de l’IoT : les smartphones et… les puces RFID.
- Gérard HAAS et moi-même revendiquons un autre nom pour les objets connectés, celle d’objets intelligents connectés (OIC pour les intimes) car c’est l’intelligence qui fait la différence… (merci pour le Buzzword !).
Adwise : L’internet des objets va générer des bases de données gigantesques, que d’ailleurs les industriels ont bien du mal à traiter, quoi qu’en disent les spécialistes du big data ; en même temps, l’Europe multiplie les réglementations pour protéger la vie privée des citoyens : l’enjeu du marketing de demain ne serait-ce pas le respect du consommateur ?
Jean-Paul Crenn : Nous irions même plus loin. L’enjeu est non seulement celui de la vie privée des citoyens mais également celui de leur sécurité et leur intégrité, tant physique, financière que morale. Car les OIC ne se limiteront pas à notre externalité, ils seront – ils sont déjà, voyez certaines pompes à insuline – en nous.